Air Liquide a commencé la production industrielle d’hydrogène vert à Bécancour

Après des mois à aménager son usine de Bécancour, Air Liquide vient d’entamer une production industrielle d’hydrogène vert.

Après des mois à aménager son usine de Bécancour, Air Liquide vient d’entamer une production industrielle d’hydrogène vert. Pour ce faire, elle compte sur la plus puissante unité d’électrolyse à membrane échangeuse de protons au monde, une technologie canadienne prometteuse qui pourrait s’imposer sur le marché.

« C’est une première mondiale dont on parle », indique en entrevue au Devoir Bertrand Masselot, p.-d.g. d’Air Liquide Canada. « C’est une unité industrielle qui s’appuie sur une nouvelle technologie. Le site va continuer de monter en puissance progressivement d’ici la fin de l’année. »

Et déjà, la production d’hydrogène du site de Bécancour, qui a débuté en octobre, est intégrée à la chaîne nord-américaine d’approvisionnement du géant français de la fabrication de gaz. Après liquéfaction, les molécules sont distribuées par camion aux clients canadiens et américains.

L’hydrogène vert est produit à partir de l’électrolyse de l’eau alimentée par de l’énergie renouvelable. « Nous sommes convaincus que ce type d’hydrogène — dont la molécule permet de stocker de l’énergie renouvelable — joue et jouera un rôle clé dans cette transition énergétique vers un monde carboneutre », indique M. Masselot.

La production quotidienne de l’usine de Bécancour doit sous peu atteindre 8,5 tonnes, ce qui représenterait l’équivalent des émissions annuelles de gaz à effet de serre d’environ 10 000 voitures si cet hydrogène provenait du reformage de gaz naturel. Les combustibles fossiles totalisent toujours près de 95 % de la production d’hydrogène dans le monde.

Avec une telle production, l’installation de Bécancour devient la plus importante à produire de l’hydrogène vert à partir d’électrolyseurs PEM (membranes échangeuses de protons). Plus performante que les technologies conventionnelles, elle pourrait s’imposer dans l’industrie d’ici quelques années.

Les quatre électrolyseurs PEM du site ont d’ailleurs été développés au Canada par Hydrogenics, entreprise ontarienne rachetée l’an dernier par le motoriste américain Cummins.

Leur particularité ? Ils permettent d’ajuster rapidement la production aux fluctuations de courant. « C’est une technologie dynamique. Elle est particulièrement intéressante lorsqu’on doit produire à partir d’énergies renouvelables », indique Michel Archambault, directeur du développement des affaires chez Cummins. Qui plus est, « elle n’utilise pas de produit chimique ».

Le déploiement de la technologie PEM pourrait bien suivre la croissance de la demande pour de l’hydrogène vert au cours des prochaines années. Ce marché devrait plus que doubler au cours des six prochaines années, passant d’une valeur de 899 millions de dollars américains à 2 milliards.

Car non seulement la demande pour l’hydrogène vert est en croissance dans plusieurs secteurs industriels, mais les opérateurs de gazoducs d’Amérique du Nord se dotent d’objectifs pour décarboner leurs réseaux.

À la mi-novembre, Cummins annonçait d’ailleurs un partenariat avec Enbridge, important opérateur canadien de gazoducs. Avec le soutien de Technologies du développement durable Canada, les deux entreprises comptent injecter de l’hydrogène renouvelable dans une partie du réseau d’Enbridge qui dessert 3600 clients à Markham, dans la banlieue nord de Toronto. Un projet estimé à 5,2 millions de dollars.

Serait-il possible de faire de même avec le réseau d’Énergir ? « Techniquement, c’est possible de le faire », indique Michel Archambault. Notons que le principal distributeur de gaz du Québec envisage l’injection d’hydrogène vert dans son réseau d’ici quelques années. Énergir entamera bientôt des tests pour évaluer l’impact des molécules sur ses infrastructures.

Exporter en Europe?

De nombreux pays d’outre-mer ont déjà annoncé vouloir miser sur l’hydrogène vert pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Dans son plan de relance économique post-pandémie, le gouvernement allemand a annoncé un investissement de 9 milliards d’euros pour développer cette filière.

La France compte pour sa part investir 7 milliards d’euros au cours des 10 prochaines années pour développer cette filière, alors que l’Agence australienne pour les énergies renouvelables a annoncé l’investissement de 70 millions de dollars australiens dans le secteur.

Est-ce que la production québécoise pourrait être exportée vers ces marchés ? « Tout peut être imaginé », répond Bertrand Masselot d’Air Liquide Canada. Les régions comme le Québec qui produisent à moindre coût de l’électricité qui provient d’énergies renouvelables pourraient transférer cette production sous forme d’hydrogène vers des régions qui en disposent moins.

« Techniquement, mettre un conteneur d’hydrogène liquide sur un bateau se fait très bien. Après, la question est d’ordre économique : est-ce que c’est rentable ? Autre question : est-ce que l’hydrogène transporté de la sorte pourrait toujours être considéré comme de l’hydrogène renouvelable ? Pour le moment, il est beaucoup plus efficace de produire et d’utiliser localement », explique-t-il.

 

 

Source: Ulysse Bergeron, Le Devoir
 

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